Loin si loin dans mon souvenir, certains Noël de mon enfance sont restés si précis qu’ils me
semble à peine croyable que tant d’années se soient écoulées.
Pourtant, c’était la guerre. Enfant, j’ai connu la peur, la terreur même lorsque les sirènes résonnaient, lugubres, et laissaient place au vrombissement d’une escadrille d’avions. Alors, dans un fracas épouvantables éclataient les bombardements qui faisaient vibrer les murs de nôtre pauvre maison et nous emplissaient d’épouvante. Il fallait alors se précipiter dans un abri que mon père avait fait avec des traverses de chemin de fer, dérisoire protection où l’on pensait être en sécurité.
J’ai connu la faim, aussi, car la nourriture manquait. C’était le désespoir de ma pauvre mère que de ne pouvoir donner à manger à ses enfants. Tout était rationné peu de viande, pas de poisson, pas de beurre, pas de crème, etc, etc,……
Nous avons par jour un morceau de pain que ma mère coupait e tranche : 1 pour le matin, 1
pour le midi, et 1 à quatre heures et 1 pour le soir. Un jour sur notre demande elle nous a donné le morceau en entier : nous l’avons dévoré. Mais il a fallu attendre le lendemain pour ravoir notre ration. Quand je vois actuellement les enfants rechigner ou même refuser la nourriture je me dit qu’ils ne connaissent pas leur chance !Pourvu que ça dure !
Il y aurait bien des choses à raconter sur cette période et je crois qu’il serait de tout dire de
ce que l’on a vécu pendant notre jeunesse.
J’avais environ Six ans. Malgré les privations le Père Noël passait quand même chez nous.
Alors la veille au soir mon frère Christian et moi déposions nos chaussons au pied de la
cuisinière bleue. Le matin nous avions la joie de trouver dans nos chaussons un jouet bien
humble et une orange, belle et grosse, délicieuse et pleine de jus sucré, fruit merveilleux que l’on avait seulement pour ce jour de fête. Ce Noël précis lorsque je suis allée dans la chambre des garçons (à 3 dans cette chambre) mon frère ainé Charles âgé de 18 ou 19 ans se saisit d’une de ses bottes et me dit : Christiane, regarde :
Il la renversa au-dessus de son lit et une pluie ininterrompue de bonbons s’écoula de la botte enchantée : J’étais émerveillée, éblouie, muette d’étonnement : je n’en avais jamais tant vu ! Tous ses bon-bons qui tombaient sur le lit, dont le flot ne semblait vouloir ne jamais s’arrêter ! Jamais je n’ai oublié, je n’oublierai jamais cet instant magique !
Mon frère, je ne te l’ai pas dit mai tu m’as donné ce jour là le plus merveilleux de tous les
Noël !
Il y eut un autre Noël exceptionnel dont je me souviens : nous étions privés de beaucoup de
choses en cette époque de pleine guerre. Nos vêtements, nos chaussettes étaient raccommodés pour les faire durer le plus longtemps possible. Ma mère confectionnait des manteaux dans des couvertures allemandes bien rêches. Bien souvent je portais les vêtements qui n’allaient plus à ma sœur et lorsque à leur tour les vêtements ne n’allaient plus ils fallait les rallonger, les manteaux, les robes avec presque toujours un tissu différent.
Nos chaussures étaient des « galoches » et les semelles étaient en bois.
Dans les classes, presque tous le enfants portaient ce genre de chaussures aussi lorsque nous devions aller au tableau nos galoches résonnaient sur le plancher, et a la fin des cours lorsque toute la classe se déplaçait, c’était toujours en silence, mais dans un fracas de galoches !
Pour compenser certains manques en vitamines dus aux privations, à l’école tous les jours on nous distribuait des biscuits vitaminés 2 par enfants les plus âgés en avait 4.
Mon Dieu qu’ils étaient bons ces biscuits ! Combien j’attendais l’heure de la distribution !
Les biscuits disparaissaient dans nos petites bouches sans en perdre une miette. D’ailleurs à table, aux repas et aux petits déjeuners, lorsqu’il restait des miettes sur la table, nous les
ramassions jusqu’à la dernière avec notre index mouille de salive.
Je reviens à ces biscuits vitaminés. C’était en 1942/1943 environ, pleine période de privations.
Or ma sœur et mon frère un peu plus âgés, sans rien dire à personne , décidèrent sans doute tôt dans l’année, de ne plus manger leurs biscuits vitaminés, véritable sacrifice en cette période de disette ou les enfants étaient complétement privés de friandises, et de garder précieusement chaque jour en les rangeant soigneusement dans une boite hermétique.
Aussi le jour de noël, ils offrirent fièrement( ils pouvaient l’être !) cette boite entièrement
remplie de biscuits.
Quel beau geste de la par de ces enfants et quelle force il leur a fallu pour ne pas céder à la
tentation.
J’admire toujours leur comportement et j’avoue que je n’aurai pas eu cette ténacité.
Voici donc deux Noëls de mon enfance qui ont comptés et dont je me souviens après tant
d’années.
24 Décembre 2010
CHRISTIANE