CINÉMA DE MON ENFANCE… DE PETIT-COURONNE… ET D’AILLEURS !!

(d’accord, ce n’était pas l’ambiance du : cinéma PARADISIO….) film de 1988… Mais c’était pas si mal… Et tout aussi vrai….

Il n’y pas très longtemps, je suis passé a Petit-Couronne et j’ai voulu revoir la salle

de projection où nous avions vu nos premiers films. Ces films qui nous faisaient rêver, nous qui n’étions pas submergés, à l’époque, par les spectacles, et dont la télévision était encore inconnue… Pas même la radio à la maison.Cette salle me semble aujourd’hui laide, minable, sans attrait. Mais quand j’allais, comme on dit, au cinéma, ça ne me sautait pas aux yeux… Je ne voyais que les belles affiches colorées avec les visages des vedettes à la mode, célèbres et, comme tous les autres spectateurs, je salivais à l’avance les instants de bonheur que j’allais vivre dans peu de temps !

Le spectacle était aussi dans la ruelle qui menait à cette salle, également dans l’entrée où on faisait la queue pour prendre les billets. Probablement plus drôle et folklo que ce que l’on verrait un peu plus tard sur l’écran, mais personne n’en était conscient, et surtout pas moi, dans l’impatience où j’étais de participer à l’intrigue ou à l’aventure filmée que j’étais venue voir ! Pour la plupart, les gens se connaissaient et les commentaires allaient bon train, avant la projection, et surtout après. Le spectacle commençait par les actualités en noir et blanc qui commentaient les événements les plus récents …. déjà vieux d’au moins une semaine et souvent plus. Ça nous suffisait amplement. D’ailleurs la majorité des gens n’était pas venu pour cela, et j’en faisais partie, mais surtout pour voir le film. Il y avait aussi en première partie soit un documentaire, soit un court métrage, soit un dessin animé… parfois deux! Dans ce cas, on était comblé….

Souvent, après l’entre acte, il y avait un numéro sur scène. Ça pouvait être un chanteur, un jongleur, un acrobate ou un illusionniste… le public était sans pitié et si le numéro n’était pas au point ou si le chanteur s’emmêlait la voix et les paroles, il se faisait huer et siffler plus que copieusement. J’en étais mal à l’aise,… je devais être plutôt bon public et souffrais peut être autant que l’interprète qui essayait tant bien que mal de rattraper la situation. Et puis enfin arrivait sur l’écran le film tant attendu dans une grande clameur de satisfaction poussée par l’ensemble des spectateurs !.. Clameur renouvelée mais cette fois avec un ton de déception et de regret quand la projection s’interrompait à cause d’une panne de courant ou simplement mécanique.

Voir un film à cette époque n’était pas aussi banal qu’aujourd’hui ; c’était une vraie sortie, un véritable spectacle, et nous nous intéressions à l’avance du programme prévu pour les semaines à venir. Les titres qui me reviennent en mémoire et que j’ai dû voir peu de temps après la fin de la guerre, mélange de films américains, français, italiens… On était pas difficiles et les plus mauvais « Fernandel », comme les meilleurs étaient également appréciés !! … King-Kong, la toute première version nous avait particulièrement impressionnée, et suscitait beaucoup d’interrogation sur les nécessaires trucages que ça avait dû demander. Ça alimentait nos conversations. Et nos jeux… Les films italiens, sortis peu de temps après la fin de la guerre. Rome, ville ouverte, le voleur de bicyclette, Siuscia,(je ne sais pas si ça s’écrit de cette façon ?..), des films russes, où, peut-être à cause des grosses ficelles, on sentait derrière les images et les bons sentiments,la propagande en faveur du régime. Les Laurel et Hardy qui nous faisaient bien marrer. Robin des bois… L’occasion, dans les jours qui suivaient de se faire des arcs et d’alimenter nos jeux de ses aventures. Gary Cooper, vedette incontestée dans ces années-là et qui jouait dans « Une aventure de Buffalo-Bill », le rôle de Bill Hycocq, un héros du Far-West, genre justicier sans peur et sans reproche qui se faisait descendre lâchement et par derrière par un espèce de dégonflé, (même qu’il avait la tremblote en dirigeant son arme vers notre héros). On aurait souhaité qu’il ne tire pas, mais le scénario devait avoir cette exigence et Bill Hycocq mordait la poussière, traîtreusement assassiné. Et nous, on en était vraiment désolé et même attristé. Le Bossu, le fameux Lagardère, dans sa première version, avec Pierre Blanchar, et sa botte de Nevers, qui triomphait finalement de tous les salauds qui avaient pourtant mis le paquet pour lui nuire ! Celui-là finissait bien, on était bien content. Tarzan, et son fameux cri de bête, qu’on essayait d’imiter, mais sans succès. Par contre, ça nous donnait des idées pour construire des cabanes et tenter de devenir bon nageur…

Heureuse époque où on y croyait… Ça, c’était de la fiction, bien agréable à regarder et qui nous comblait. Malheureusement, sensiblement à la même période, la réalité était beaucoup moins drôle. Aux actualités, on avait vu pour la première fois l’horreur des camps de concentration, les chambres à gaz, les fours crématoires, les malheureux survivants dans un état de maigreur effroyable, hagards, pitoyables. Dans le cinéma, les gens étaient pétrifiés d’horreur et personne ne soufflait mot. C’est à peine si nous osions en parler tellement l’atrocité des camps nazis dépassait ce que chacun pouvait en imaginer.

On a forcément vu les films de Pagnol, la trilogie des Marius, César, Fanny… que je ne trouvais pas belle,d’ailleurs.. La fille du puisatier… ! (Mais pas la fille du coupeur de joints…!) Bon, je ne vais pas faire la liste de tout ce qui passait dans notre modeste salle. Pour faire court, on était pas difficile et le plus mauvais des navets avait quand même du succès.

Souvent, à la sortie, le projectionniste, qui était d’ailleurs le patron du cinéma, nous demandait et sans cacher son accent bien de chez nous : «  Ça vous a-t’y plus ?… et d’ajouter : la semaine prochaine, je passerai un cow-boy !! ». Il était sur de faire salle comble. Les westerns à l’époque avaient la cote et leurs vedettes étaient connues de tous les publics. A la fin du spectacle, nous rentrions presque toujours ravis de ce que nous avions vus….Tout simplement heureux. Pour finir la soirée en beauté, les soirs d’été, tous les jeunes de la cité restions un moment à regarder les étoiles… la voie lactée…la grande Ourse… la petite Ourse… et bien sur l’étoile polaire. Et puis, on allait se coucher. C’était rien … et pourtant, c’était formidable.

Dans le genre cinéma populaire, il y avait aussi le Familial à Grand-Quevilly, au niveau des Hauts-Fourneaux, où j’allais régulièrement quand j’avais quelques ronds en poche. C’est vrai qu’il était pas cher ce cinoche, mais bien que n’y prêtant que peu d’attention, il était vraiment tout ce qu’il y avait d’ordinaire. Dans la salle, au-dessus de la porte d’entrée qu’on ne franchissait qu’après avoir présenté son ticket, bien en évidence, il y avait cette inscription «  défense d’uriner ».Je veux bien croire que ça datait d’avant la transformation de ce bâtiment en salle de cinéma,.. mais personne n’avait jugé bon de l’enlever. Après tout, peut -être avait- elle encore son utilité ? L’ambiance y était très « populaire », et ça me gênait un peu. J’avais besoin de calme pour apprécier le spectacle et le chahut, les cris, en un mot, le bordel qui régnait dans la salle gâchait le plaisir que je souhaitais prendre en venant dans ce lieu. Les murs de la salle étaient en briques peintes, décorés de vieilles affiches de films anciens. Dont une, où le rôle principal était tenu par un certain -Amédéo Nazzarri- qui interprétait dans ce film « BEN-HUR », la toute première version, et qu’on nous promettait de passer bientôt et que je ne vis jamais.

Les dimanches après-midi d’hiver, si je les avais passées en ce lieu, à la nuit tombée et, pour peu que le film comporte quelques scènes un tant soit peu angoissantes, je rentrais chez moi avec la trouille au ventre. Pas question de le laisser paraître, j’aurai pas aimé qu’on me soupçonne d’être aussi impressionnable !

Il y avait aussi le Kursaal à Gand-Quevilly… et le Variétés à Grand-Couronne. Le problème était surtout de trouver assez d’argent pour nous l’offrir, ce cinéma. Et, comme toutes nos sorties de l’époque, cela se faisait à pied… C’était dans l’ordre des choses, et nous nous en accommodions sans problème. Plus tard, quand nous avons grandi, la soirée finissait au Bar Normand ou chez Godéré, un autre troquet accueillant. Que ce soit l’un ou l’autre l’ambiance y était super !! Qu’ajouter d’autre…à part que c’était le bon temps. Le bistro Godéré, après avoir changé de propriétaire, n’existe plus … et depuis longtemps… le bar normand s’est changé en pizzeria…. La nostalgie n’est plus ce qu’elle était… et moi je dois être un vieux radoteur qui va, de ce pas, voir ce qui se joue ce soir à la télé…..Il faut bien vivre avec son temps. ENTR’ ACTE !! … Bonbons, esquimaux, caramels, chocolats… Et, sur l’écran : publicité JEAN MINEUR Balzac 0001…