Aujourd’hui, il me vient l’envie de vous mettre quelques mots sur une banale aventure (familiale et professionnelle) qui a juste cinquante ans et qui évoque assez bien nos conditions de vie (loisirs et travail) ….. Ça n’a probablement aucun intérêt mais disons que ça m’amuse de l’évoquer…
C’était le début de l’été, en 1963… j’approchais de mes 29 ans, Gisèle avait 20 ans. Nous étions à Villers St Paul dans l’Oise. Je travaillais pour une entreprise « CITRA » avec mon frère aîné,c’était lui qui d’ailleurs, m’avait fait embaucher dans cette société pour laquelle il venait d’effectuer un chantier en IRAN.
Pour ma part , j’avais démissionné d’une boite pour la seule raison que j’en avais assez de Dunkerque, du froid du vent et de la pluie… Il y avait peut-être aussi d’autres raisons dont je ne me souviens plus . Tout ce que nous possédions , quand nous avons quitté les brumes du Nord , tenait dans notre modeste 2 cv plus que poussive…
Retour en Normandie et forcément bien content de retrouver cet emploi.
Arrivés sur les lieux, recherche de logement rare, à cette époque par le nombre de gens déplacés comme nous… Ce que nous trouvons finalement serait inacceptable aujourd’hui : un meublé minuscule, en vérité un ancien garage aménagé du strict minimum… Nous dormions dans un canapé qu’il fallait replier dès que nous étions levés pour avoir assez de place pour déjeuner et nous mouvoir quelque peu. Laurent mon fil aîné, qui n’avait pas un an , dormait dans un espèce de placard (sans porte).
Bien obligés de nous accommoder de cette situation.
Un des commerçants du village nous ayant fait part qu’il possédait un terrain assez proche et qu’il était disposé à nous laisser l’occuper, et gratuitement, probablement sur notre bonne mine, le dimanche suivant, après avoir quitté les lieux que nous occupions, nous voilà avec tout notre matériel de camping, prêts à nous installer sur ce terrain providentiel. Désherber une partie du terrain, monter nos guitounes faire quelques aménagements, améliorés au fil du temps … Ce n’était pas les vacances (il y avait notre journée de travail) mais ça y ressemblait un peu . Installation de « commodités » … on s’est même confectionné une
douche avec un arrosoir… il y avait un heureusement un point d’eau. Quand à Laurent qui ne marchait pas encore, un parc avec des morceaux de bois ….
C’est dans cet espace qu’il a fait ses premiers pas. Ma belle-sœur et Gisèle préparaient les repas , faisaient les courses , aménageaient du mieux qu’elles le pouvaient notre campement. J’ai pas le souvenir d’avoir trouvé cela difficile à vivre.
Les soirées à la belle étoile avant d’aller nous coucher étaient d’agréables moments. Nos projets , nos discussions , dans mon souvenir c’était le bonheur . Mon frère rêvait d’aller vivre aux Galapagos ….. suite à la lecture d’un livre écrit je crois par un couple d’allemands qui avaient vécu cette aventure il y avait quelques décennies.
Parallèlement et plus sérieusement, nous avions fait une demande et préparé un dossier pour partir (émigrant) en Australie… Finalement, ça ne s’est pas fait.
J’étais moins convaincu du bien fondé de ce projet … Il n’y a pas eu de suite. C’est vrai que nous n’avions rien à perdre et que dans un contexte vraiment difficile nous n’aurions pas hésité.
A l’époque, le travail ne manquant pas, nous étions et surtout moi pas assez motivés.
Bref, nous ne sommes pas partis.
J’ai oublié de dire que sur ce terrain il y avait un magnifique cerisier. Le propriétaire ne les récoltant pas nous nous en sommes chargés, et avons fait une véritable cure. La saison cette année-là était particulièrement belle….. ça nous a été favorable… Il y a bien eu une journée ou deux de pluie continue qui nous a obligé à rester sous la tente …. C’est pas non plus un mauvais souvenir.
Un jour, le chantier s’est terminé Il a fallu quitter les lieux. La boite nous donnait (si j’ai bonne mémoire) une bonne quinzaine de jours de vacances. Il suffisait de plier le matériel et de continuer la même vie…….. mais cette fois sans bosser !
Sans la moindre hésitation, nous avons pris la route du midi… et a nous le bon temps… dans l’insouciance ! Je ne raconte pas le quotidien de nos vacances superbes dans la joie, la bonne humeur, nos étapes dans le sud-ouest (cette région attirait mon frère) D’ailleurs, quelques années plus tard, il quitta la Normandie pour vivre près de Cahors. Finalement, après quelques péripéties , nous nous fixons à Fréjus St Raphaël ….. un camping près de la plage ….. le bonheur !!!!!
Mais tout a une fin. Nous avions déjà prolongé d’une semaine les vacances, qu’on nous avait allouées. On prend vite goût au bon temps .. et c’était le cas.
Nous avons donc repris la route du retour , avec la perspective …. un chantier, peut-être dans une usine merdique …. La réalité forcément morose … mais inévitable.
Au lendemain de notre retour, mon frère et moi nous nous sommes présentés au siège de la boite (Paris) pour savoir où nous serions dirigés….. Mais là , on nous a signifié, qu’on avait pris un peu trop de liberté sur les dates autorisées de nos congés.
Licenciés séance tenante. J’étais pas trop touché par cette décision . Mon frère plus que moi. Il avait un peu d’ancienneté dans la boite et pensait (peut-être) qu’il avait droit à un tout petit peu de considération.
J’avais déjà compris que c’est seulement les besoins qui conditionnent l’embauche ou le licenciement (l’offre et la demande). Faut croire qu’a cet instant précis nous étions en trop ….. donc, lourdés comme des mal propres et a la rue. Fini le bon temps.
Faut retrouver du boulot et vite fait !! Les finances étaient au plus bas.
Comme nous étions à Paris , nous avons fait la tournée des boites susceptibles d’être intéressées par notre qualification.
On ne se sent pas grand chose quand on cherche du travail dans Paris, sans amis, sans recommandations. Juste sa force de travail à proposer et sa disponibilité.
J’ai pas de mal à imaginer les humiliations actuelles pour celles et ceux qui sont dans cette obligation. …. En 62 , heureusement pour nous le travail ne manquait pas et, avant la fin de l’après-midi , nous étions embauchés par la société Entrepose ….. avec une feuille de route pour Toulouse. Fallait pas rechigner à se déplacer.
Dès le lendemain, valise, bagnole … Départ en célibataire. Quand nous aurions trouvé un logement les femmes nous rejoindront. Une journée de route. Une nuit de repos. On se présente à la nouvelle boite. Chantier dans une usine en construction.
Nous disposions de la journée pour trouver une pension. En quelque sorte notre dernière journée de liberté avant de reprendre le collier.
Dès que l’on s’est assuré le gîte et le couvert, nous profitons au maximum de ce dernier après-midi . Nous faisons une petite sieste dans un parc ombragé tout en discutant de tout et de rien !!
A cet instant précis j’ai pensé fortement à continuer à vadrouiller ….. pourquoi pas ensemble. L’occasion était belle mais sûrement sans lendemain … Je ne lui en ai pas parlé et bien que sachant que c’était impossible (pour de multiples raisons) j’en traîne ne encore comme un regret.
Les mêmes circonstances ne se sont jamais plus représentées. Bien sûr, cela n’aurait pas été très sérieux, mais, après tout, un peu de folie dans la vie c’est pas mal non plus. Aller au gré de sa fantaisie, oublier un peu ses devoirs, c’est tentant. Et puis, vivre une aventure un peu hors normes, ça m’aurait bien plu !! Au diable les obligations de l’existence toute tracée qu’on nous oblige à mener … ou plutôt que l’on est obligé de mener par nécessité, la plupart du temps, financière.
Donc, et finalement, je ne suis pas sorti du rang et, docilement mais un peu amère, le lendemain matin, j’ai renfilé les bleus et nous nous sommes remis au boulot.
Finalement , ça n’a jamais cessé depuis … jusqu’à la retraite .
C’est probablement mieux comme ça. (et ça me coûte de l’admettre ). Mais les sirènes du rêve, du vagabondage et de la fainéantise m’auraient (ou nous auraient) entraîné vers la clochardisation plutôt que vers la fortune …. !
J’ai donc fait le bon choix … Et vous connaissez la suite … !