Notre séjour en Auvergne se passe bien. Nous avons bénéficié d’un temps exceptionnel jusqu’à présent. Je vous mets ces quelques lignes sur la terrasse et en plein air…En chemisette…. Le problème majeur tient à la difficulté qu’a Gisèle à marcher. Ce qui réduit les sorties pédestres. Bon, on fait avec on se repose et, pour parler d’autre chose, je vous raconte maintenant ce qui ma fait détester longtemps les postières.
C’est une histoire, qui commence à dater et l’importance qu’elle a eue pour moi à l’époque semble bien dérisoire aujourd’hui.
Faut se remettre dans le contexte. Je n’avais pas 16 ans. L’année précédente, avec deux copains, nous avons fait un périple en Normandie, à bicyclette de Petit-Couronne jusqu’au mont Saint Michel, par étapes forcément, descendu un peu dans la Bretagne, puis remonté la Loire jusqu’à Beaugency…. et le retour, tous ces kilomètres sous la flotte… La plupart des nuits, on dormait dans les granges, le terrain étant tellement détrempé. On avait du mérite, avec ça que mon vélo, prêté par la mère d’un de mes copains, était un vélo de femme, lourd, sans dérailleur…. et un seul frein. Il fallait aimer le camping !! On faisait environs 100 kms par jour ou pas loin, trempés comme des canards !
Après cette expérience, à la Normande, sous ses plus mauvais jours, la décision pour cette année fut de descendre dans le midi : nous étions en 1949. Je passe sur les préparatifs et l’obligation pour moi de bosser pendant un mois dans une usine pour gagner de quoi me payer ces vacances.
Pour mon passage en 2ème année d’apprentissage mon père m’avait payé un vélo neuf…… « Alcyon »…. c’était la marque. Avec 3 vitesses. Rien de comparable à celui de mon pote qui était le dernier cri de ce qui se faisait en cyclotouriste, mais ça ne me gênait pas et, le jour « J » en route pour l’aventure. Le soir même, on dépassait Chartres.
A l’époque, les routes n’étaient pas encombrées de bagnoles et nous roulions côte à côte en discutant…et en refaisant nos calculs sur les dépenses de nourriture et de faux-frais que nous coûterait ce voyage. On en arriva à la conclusion que si on faisait une partie du parcours par le train, ça réduirait ces dépenses et que nous profiterions plus longtemps de la côte d’azur…. puisque c’était le but du voyage. Surtout que moi en tant
que fils d’employé de la S N C F j’avais une carte de réduction de 90 %…. Autant dire que le voyage ne me coûtait rien. Forcément, il aurait été plus sage d’y penser avant……. mais l’insouciance et l’imprévoyance de la jeunesse…… vous savez ce que c’est !!
Avec ça que cette carte, je ne l’avais pas avec moi….. Pas de problème me dit mon copain, on envoie un télégramme à tes parents pour qu’ils t’expédient ta carte poste restante à ton nom disons (après avoir consulté la carte ) ; Nevers . Aussitôt dit, aussitôt fait. Il nous restait plus qu’a nous rendre à la poste à notre arrivée à Nevers……
Notre performance se trouvait un peu réduite… ; mais ça nous faisait gagner du temps. Le parcours en chemin de fer allait de Nevers à Cavaillon…. Ville où nous devions passer voir des parents de mon copain. Nous voilà à Nevers . Après une nuit passée sur un terrain de camping, nous partons à la recherche du bureau de poste… Et je m’y pointe. La préposée est là … pas aimable. Je me présente et lui demande s’il y a une lettre poste restante à mon nom. Je décline mon identité. Elle fouille dans une corbeille et en sort au bout quelques instants une lettre :
Dehays Maurice… oui c ’est moi :
Pièce d’identité me demande-elle…
Madame, ma pièce d’identité, elle est dans cette enveloppe… C ’était effectivement ma seule et unique pièce d’identité.
Service, service… elle a remis la lettre dans la corbeille….. A l’époque, on avait une plaque de vélo. J’ai été la chercher, je l’ai ôtée du cadre, je lui ai fait voir… Rien à faire, elle a été intraitable… Il lui fallait absolument une pièce d’identité. Ah la vieille taupe ! La rage….. Mon pote et moi, on ne devait pas avoir l’air de truands, de mauvais garçons. Je crois qu’un tout petit peu de compréhension de la situation lui permettait de faire une entorse au règlement.
Voilà, c’est pourquoi je les ai détesté longtemps les postières et que par la faute de cette fonctionnaire, la seule fois de ma vie où j’aurai pu voyager quasi gratuitement, et bien
j’ai payé plein pot….. et de ce fait, réduit mes vacances qui, malgré tout, furent formidables… et les souvenirs que j’en ai conservés sont épatants. Pensez à l’époque , nos vacances l’été, ça se passait au bord de la seine, à nager dans une eau plus ou moins vaseuse, pleine des rejets et de la pollution des usines des alentours….. On s’en satisfaisait , bien sur mais découvrir la Méditerranée le ciel bleu, le soleil, l’odeur des pinèdes, les plages… Marseille, le vieux port, Cassis, Bandol, Hyères le Lavandou….Ste Maxime, pour achever notre périple à St Raphaël…… C’était quand même autre chose……. Nous étions forcément émerveillés… et puis les touristes n’étaient pas encore nombreux.
Vous l’avez compris, la seule ombre au tableau, ce fut cette pintade de postière ……et près de 64 ans après le tout jeune homme que j’étais la déteste encore.
Cette aventure est bien banale…. par exemple comparée aux exploits des sportifs de l’extrême… J’en conviens. Cependant, à l’époque, nous avions étonné nos copains d’avoir pris cette initiative….. Et depuis, dans mon entourage ( et même au-delà) je n’ai jamais revu un ou deux garçons de 15 ans bosser dans une usine pour économiser suffisamment pour s’équiper et partir sur les routes à bicyclette en direction du sud…. jamais !!
Donc, ne boudons pas notre plaisir de l’évoquer, après tout, c’était pas mal notre petit voyage…..
Raconté en souvenir de mon pote Dédé, qui m’accompagnait cette année là …