Jeux dangereux

Chacun de nous se souvient du film « jeux interdits » de René Clément si ma mémoire est bonne, dont l’action se situait pendant la seconde guerre mondiale. Le nom de « jeux dangereux »  convient mieux à ce qui suit… et il s’agit d’enfants un peu plus âgés… onze à douze ans… douze ans et demi… mon copain Dédé et moi-même. Dédé avait dépassé les treize ans… presque un grand… six mois, quand on est dans ces âges-là, ça compte. En gros, il y avait à peine un an que nous étions libérés de l’occupant allemand. Peut-être que même le début de ces aventures se situait aussitôt après la libération.Qu’importe… ce n’est pas cela le plus important. Par contre, avec le temps, je me suis souvent posé la question de savoir pourquoi nous étions à ce point attirés et fascinés par ce que l’armée allemande avait laissé traîner partout… aussi bien en matériel, paquetage, véhicules blindés, armes et munitions. On jouait dans tous ces engins abandonnés et qui finirent probablement tous à la ferraille, conscients quand même de leur usage guerrier et mortel interrompu que très récemment. Tout se qui se rapportait à la guerre que nous venions de vivre était là, sous nos yeux, sans véritable interdiction et sans la moindre protection. Il y avait bien eu des recommandations à ne pas s’en approcher… surtout de ne pas y toucher… mais la tentation était forte. Surtout qu’autour de nous, dans les bois, dans les près, dans les fossés, au bord des routes et des chemins, une multitude d’objets évoquant le passage d’une armée en déroute. Et parmi ces objets, en grande quantité, des armes, des munitions, des mines des grenades, des cartouches… des détonateurs bien rangés dans des boites qui ressemblaient un peu à des boites de dominos…! Il n’y avait qu’à se baisser… et, malgré les recommandations citées plus haut, on ne s ‘en privait pas.

La première arme d’importance que je découvris fut (excusez du peu…une mitrailleuse…) ça ressemblait plus, je m’en fis la remarque bien plus tard, au cours de mon service militaire à un fusil-mitrailleur, par sa conception et sa dimension. Mais, à ce que je sache, un fusil-mitrailleur fonctionne avec un chargeur… .une mitrailleuse avec des bandes de cartouches assemblées et peut tirer je ne sais combien de centaines de balles sans interruption. D’ailleurs juste à côté de cette mitrailleuse, il y avait deux boites métalliques pleines de cartouches assemblées sur une bande… tout ça, à coup sûr, prêts à fonctionner. Je traînais comme je pus l’ensemble et le cachais sous un buisson. Il n’était bien sûr pas question de rapporter un pareil engin à la maison. J’avais un copain, voisin dans la cité où nous habitions qui avait déjà accumulé pas mal d’armes allemandes, surtout des fusils Mauser qu’il planquait dans son grenier. D’ailleurs, mais c’est une autre histoire, il nous arrivait en fin de soirée, avant que la nuit ne tombe, d’aller dans le bois le plus proche, d’emmener un de ses fusils bien planqué dans une « pouque » et de tirer quelques cartouches… je m’en souviens bien car, quand ce fut à moi de tirer, malgré mon application, le choc me secoua un peu et je ne suis pas certain de ne pas m’être retrouvé sur le cul….

Je lui fis part de ma trouvaille et le soir, il vint récupérer et la mitrailleuse et les munitions. Je peux même raconter comment cette histoire s’est terminée… longtemps après… au moins un an… mais c’était le temps où les années duraient longtemps, pas comme aujourd’hui où le temps nous pousse à trop grande vitesse. Voilà… les Américains, ceux de la deuxième vague, pas les combattants… eux aussi voulaient rapporter des souvenirs de la guerre, là-bas… à Chicago ou ailleurs… alors ils recherchaient auprès des petits Français ce qu’ils avaient eus la bonne idée de conserver. Et mon copain Jackie a vendu la mitrailleuse à un de ces Américains. La vache, j’ai pas le souvenir de m’en avoir fait profiter un tant soit peu. N’empêche, il me les a montré, il avait le bas d’un buffet plein de cartouches de cigarettes américaines. Le prix de cette mitrailleuse est parti en fumée… et ceux qui la possèdent ignorent tout de son histoire. Je referme la parenthèse de la mitrailleuse et je reviens à mes jeux dangereux.

Dans l’ensemble de ce que nous trouvions, il fût décidé de faire un tri. Ce qui nous semblait sournois, comme les mines, on n’y toucherait pas. Et ça ne manquait pas… aussi bien les anti-personnelles que les anti-chars qui ressemblaient à deux plats ronds inversés l’un contre l’autre. Avec au centre un renflement circulaire proéminent. C’est cette partie qui déclenchait l’explosion quand un engin quelconque passait dessus. C’est ce qu’on nous avait dit… Rien qu’ à les regarder, on en sentait la dangerosité…

Les grenades aussi… à éviter. J’en ai eu quelques unes en main. Surtout de celles munies d’un manche. A peu de choses près, ça ressemblait à un presse-purée… de cette époque. A l’extrémité du manche, il y avait comme un bouchon fileté qu’il fallait dévisser. Attaché à ce bouchon, une ficelle… il fallait tirer sur la ficelle, ce qui déclenchait l’explosion quelques secondes après. Donc, jeter la grenade sans délai et le plus loin possible… L’incertitude du temps qu’il nous restait après avoir tiré sur la ficelle nous a dissuadé d’utiliser ces grenades. J’imaginais l’explosion… près de moi… la main arrachée, le corps criblé d’éclats… ça pouvait arriver. Les grenades, comme les mines, on n’y touche pas.

On s’est rabattu sur les boîtes remplies de cartouches pour mitrailleuses…et celles des fusils « Mauser ». Des journées entières à desceller les balles pour récupérer la poudre… Poudre utilisée à de multiples usages. Parfois simplement la mettre en tas et y mettre le feu. ou en remplir en partie une boîte métallique et y ajouter une dizaine… voir plus de détonateurs. Histoire de provoquer une véritable explosion. Il suffisait, à partir de la boîte de faire une longue traînée de poudre qui nous donne le temps de nous mettre à l’abri après avoir craqué une allumette pour enflammer cette mèche improvisée.

Ce genre de distractions avait son charme… mais le vrai bonheur fût la découverte et l’utilisation des fusées qui nous posèrent quelques problèmes au tout début… vite résolus. Nous n’avions pas de pistolet à fusée… puisque ces fusées fonctionnent comme n’importe quelle cartouche, c’est sûr, ça nous aurait bien arrangés d’en posséder un… !

A défaut, on trouva vite la solution. A la base de la fusée, il suffisait de faire un trou avec le poinçon d’un canif, grattouiller un peu l’intérieur par ce trou… caler comme il faut la fusée dans une motte de terre… celles des taupes faisait parfaitement l’affaire, bien tasser la terre , la placer un peu en oblique… Il ne restait plus qu’à faire une traînée de poudre comme précédemment et y mettre le feu. Quand la flamme parvenait à la base de la fusée, l’amorce pétait et déclenchait la fusée qui s’élevait gracieusement en l’air… ! Se reculer un peu pour jouir du spectacle… et il était varié. Des fusées, il y en avait de toutes sortes… des rouges, des jaunes… presque phosphorescentes, des sifflantes… plutôt gueulantes… certaines mêmes qui redescendaient lentement, au bout d’un parachute… ! Le bonheur… en quelque sorte, feu d’artifice tous les jours… on ne s’en lassait pas. Il faut bien le reconnaître, nos jeux pendant cette période, ne furent alimentés que par tous ces engins… Et puis, ces fameuses fusées se raréfièrent… Nous passions notre temps à fouiller les moindres lieux où l’armée allemande était passée. Les véhicules que les autorités n’avaient pas encore récupérés, de place en place le long des routes passèrent aussi par une fouille systématique… mais il fallut se rendre à l’évidence… le bon temps des fusées était révolu… Il fallait passer à autre chose.

Avec André, nous fîmes une ultime recherche. Nous savions qu’une troupe de soldats allemands avait cantonné dans et autour du château Robert le Diable. Peut-être une dernière chance d’y trouver quelques fusées. Mon copain Dédé avait un vélo. Moi pas. Par contre, mon père possédait une petite carriole qu’il avait achetée pour transporter ses outils et ses légumes qu’il transportait du jardin à notre domicile. Je ne me souviens plus si je lui ai demandé l’autorisation mais je l’ai emprunté et nous l’avons accroché tant bien que mal au vélo d’André. Lui, il est monté sur son vélo, moi dans la carriole. Et il a pédalé. C’est dans cet équipage que nous avons quitté Petit-Couronne, traversé Grand-Couronne et rejoint Moulineaux. Je suis à peu près certain que nous n’avons pas croisé une bagnole. Les routes n’étaient pas surchargées dans ces années qui avaient suivies la guerre. Comme souvent chez nous, il tombait de la flotte et on n’était déjà pas très reluisants en nous pointant au pied du château-fort… Mais nous étions à pied d’œuvre et on se mit sans tarder et d’arrache-pied à la besogne. Explorant d’abord le tour du château et puis y pénétrant, fouillant coins et recoins… mais sans succès. On a profité de l’occasion pour monter en haut du donjon, admirer le panorama… (malheureusement brumeux) redescendus et chercher encore… et puis se résigner et admettre que des fusées, il n’y en avait pas… ou plus! Nous nous étions pointés trop tard. Dans la cour central, il y avait un puits… impressionnant par son diamètre et par sa profondeur qu’on testa en y balançant quelques pierres. On se promit ce jour-là de revenir avec du papier qu’on mettrait en boule, les imprégner d’huile ou d’essence… d’y mettre le feu et de les jeter dans le puits… histoire d’avoir une idée plus précise de sa profondeur… et, pourquoi pas, de l’explorer. Avec de bonnes cordes, ça devait être possible. Peut-être qu’on pourrait se procurer un treuil. En voilà de la vraie aventure… descendre dans le puits du château Robert le Diable… Sûr que là, les copains auraient été épatés… !

Bon, c’est vrai, on y est revenu au château, avec un paquet de vieux journaux, un bidon de pétrole et des allumettes soufrées. On a fait des boules de papier bien imprégnées de pétrole et on y a mis le feu. Balancé l’une après l’autre les boules enflammées. Penchés au-dessus de la margelle, nous avons vu les boules tournoyer, éclairant les parois du puits…et puis, s’éteindre bien avant d’en atteindre le fond. Déjà que le bruit des pierres nous avait laissé penser que ce puits était « vachement » profond, ce deuxième essai nous le confirmait en quelque sorte. Et, comme nos papiers enflammés s’éteignaient bien avant d’en atteindre le fond, après s’être concertés, on en tira la conclusion que dans ce puits, ça devait manquer d’oxygène. Qu’il serait dangereux d’entreprendre ce que nous avions projeté. En un mot comme en cent, la préparation, les cordes, le palan ou le treuil, la descente… tout cela n’était pas insurmontable et nous y serions parvenus… c’est ce que chacun d’entre se persuadait… sans trop y croire…! Mais le manque d’oxygène…ça, nous n’y pouvions rien. Vous l’aurez compris, ce manque d’oxygène finalement nous arrangeait bien.

L’aventure du puits n’eut pas de suite… et c’est très bien ainsi. Quand à celle de notre recherche de fusées dans ce lieu, elle se termina pour moi par la découverte dans des buissons d’un fusil de petite dimension… pas en très bon état, la culasse ne fonctionnant pas et que je décidais de ramener chez moi. Nous n’étions pas complètement bredouilles. Retour sans gloire, moi dans la carriole et Dédé pédalant courageusement. Je ne cachais pas ma trouvaille à mon père qui, après s’être assuré que cette arme n’était pas en état de fonctionner, ne m’interdit pas de jouer avec. C’était quand même autre chose qu’une carabine à flèches ou à plombs…!

Ce que mon père n’avait sûrement pas prévu, c’est qu ‘à force d’obstination à la bricoler, à limer un peu ici, un peu là les éléments de la culasse, en usant largement de son unique bidon d’huile, je remis le flingue en état. Manquait plus que les cartouches dont le calibre devait être différent de celles que nous possédions encore en quantité. Je n’eus jamais le loisir de l’utiliser. Un voisin qui devait m’avoir vu en possession de cette arme (je n’ai jamais su lequel) prévint probablement le garde-champêtre qui se pointa un jour accompagné d’un gendarme. « Il paraît que votre fils est en possession d’un fusil ? », demanda l’un d’eux. Oui, répondit mon père… mais je l’ai contrôlé, il n’est plus en état de fonctionnement. Et il leur remit le fusil qui était là, bien en évidence. Le gendarme s’en saisit et actionna la culasse… et on entendit distinctement le claquement sec du percuteur. Pas de doute, il était redevenu un bon fusil en parfait état de marche… L’air sévère du garde champêtre et du gendarme…. ! Et la contrariété dans le regard de mon père. J’étais pas très fiérot. Ils réquisitionnèrent le fusil et dressèrent un procès-verbal à l’encontre de mon père. Plus une amende à payer… si j’ai bonne mémoire sur le champ. Je ne me souviens plus si j’ai pris une trempe ou si j’ai dû me farcir quelques travaux supplémentaires… Sûrement pas, en tout cas, de compliments… L’épisode de ce petit fusil s’arrêtait là. Mais ça ne mettait pas un frein à notre recherche de jeux toujours liés aux armes qui traînaient encore un peu partout et à profusion.

Pour les fusées, il fallait se faire une raison… il n’y en avait plus. Heureusement pour nous, l’arsenal était loin d’être épuisé. Il y avait les obus. Avec mon copain Dédé, on est arrivé à cette conclusion : un obus, c’est comme une grosse cartouche. Si on parvient aisément à ôter la balle de la douille, (pour récupérer la poudre), on doit y parvenir de la même façon avec un obus. D’accord, c’est plus lourd, c’est plus encombrant… mais à deux, et bien décidés, on devrait y parvenir. Et puis, la récupération d’un gros paquet de poudre au bout de l’effort à fournir.

Le même jour, dans le petit bois tout proche de notre cité, on se mit à l’ouvrage. Et je vous donne la recette… (ça peut être utile)… voilà comment nous nous y prenions : Soit l’un, soit l’autre, à demi accroupi, l’obus entre les jambes, tenu à pleine main… (à plein bras…), il suffisait de cogner contre une grosse souche, à la jonction qui scellait la tête de l’obus avec la douille. C’était assez laborieux. A tour de rôle, nous tenions la tête de l’obus dés qu’elle commençait à se desceller. Nous savions qu’il ne fallait pas en heurter l’extrémité, là était le danger puisque c’était cette partie qui déclenchait l’explosion. En une vingtaine de minutes, si on s’y prenait bien, l’obus se trouvait séparé de la douille…et on le déposait avec précaution de côté. On se trouvait à cet instant en possession d’un ou deux kilos de poudre Elle se présentait parfois dans un sac blanc avec, en son centre, un espèce de gros macaroni noir… et creux. Qui, lui aussi, était de la poudre. Nous y mettions le feu par une extrémité et il brûlait en partant dans tous les sens… ça nous amusait beaucoup !! Dans d’autres obus, la poudre, c’était de petites paillettes jaunâtres plutôt rectangulaires… dans d’autres encore, des petits macaronis noirs. Il y avait de la variété, des surprises… et ça alimentait notre soif de nouveautés.

Pour bien profiter de ces jeux, on se trouvait un coin tranquille, et là, avec tous les jeunes de la cité… (sélectionnés, tous n’étaient pas admis), on se faisait des feux d’artifice d’un genre nouveau… mais très appréciés. 14 juillet tous les jours… ou presque. Mon copain et moi étions devenus des spécialistes en la matière. Nous avions même projeté de faire sauter une espèce de carrière rue de la pierre d’État, pas loin de la voie ferrée. Pour quelle raison cet endroit plutôt qu ‘un autre… je ne m’en souviens plus très bien… peut-être pour sa tranquillité. Pour ce faire, nous avions mis de côté de la poudre… (en quantité), des grenades, des détonateurs. Tout cela rassemblé dans une espèce de cantine métallique. Cette idée à la con commençait à se concrétiser… Mais l’un et l’autre, sans se l’avouer, avions un peu la trouille de passer à l’acte… ça risquait quand même de faire un sacré raffut et d’attirer un peu trop l’attention sur nous et sur nos occupations. Ce que nous ne souhaitions pas. Un grand, il avait à coup sûr quatorze ou quinze ans (il venait de passer le certificat d’études, raté d’ailleurs) eut la sagesse de nous dissuader d’aller jusqu ‘au bout de notre projet. Il était un des seuls dans la confidence. On s’empressa de l’écouter, notre résolution ayant depuis quelques temps du plomb dans l’aile. Du coup, on écoula petit à petit notre réserve de poudre (plus discrètement que prévu…) et on se débarrassa des grenades.

Parallèlement à ces jeux risqués et dangereux, il y en avait d’autres… dont les baignades en Seine ou à la piscine… en fait, une réserve d’eau qui avait été aménagée et qui alimentait la papeterie de Grand-Couronne… cela évidemment, à la belle saison… et probablement aussi d’autres jeux… mais pendant longtemps encore, une véritable idée fixe, une obsession d’utiliser tout ce qui pouvait exploser, brûler faire du barouf… !

Un jour, forcément un jeudi puisque je n’étais pas à l’école, traînant mes guêtres et me dirigeant vers le bord de la Seine, je vis des soldats américains (cantonnés dans un château, détruits quelques années plus tard) s’amuser à un jeu qui m’intéressa fortement. Il se trouvaient un peu en contre-bas de l’endroit où je les observais et je les vis, comme mon copain Dédé et moi, procédant de la même manière et enlever la tête d’un obus. Mais, au lieu d’en extraire la poudre, ils placèrent la douille verticalement sur sa base, tirèrent un seul « macaroni » noir et y mirent le feu… Ils étaient trois ou quatre qui se planquèrent chacun derrière un arbre. De l’endroit où j’étais, je n’avais rien à craindre et je pus voir la scène de bout en bout sans en perdre une miette. Quand la flamme parvint au niveau de la douille, ce fût l’explosion… et quelle explosion !.. .un bruit terrible, de la fumée… la douille éclata en lambeaux… En un mot, la concrétisation de ce que nous cherchions à provoquer depuis longtemps ! Les soldats recommencèrent la même opération… Faut croire qu’ils manquaient de distractions… J’y assistais une seconde fois. Et puis, tout content de ces nouvelles connaissances en matière d ‘explosifs, j’allais sans tarder en informer mon copain. Voilà qui allait améliorer nos prochains jeux.

On se mit à l’ouvrage dans l’après-midi. Nous avions encore dégoté à proximité trois obus. Pour l’après-midi, ça devait suffire. Ça se passait dans le même petit bois ; pas loin de notre cité. Personne ne se doutait de ce que nous faisions. Répétant les gestes des soldats, après les préliminaires racontés plus haut, vint le moment où, émus et surtout excités, il fallut mettre le feu au « macaroni » noir qu’on avait en partie extrait de la douille. J’étais celui qui apportait la nouveauté dans nos jeux. C’était logique que j’assume. Dédé me tendit la boîte d’allumettes et alla se planquer derrière un arbre… J’ai pas le souvenir d’avoir hésité ou d’avoir eu la trouille.. et c’est sans trembler que je mis le feu à la « mèche » et, vite fait, j’allais moi aussi me mettre à l’abri. La récompense de tous nos efforts ce fût cette formidable explosion… qui nous réjouissait au-delà de tout. Heureux d’avoir fait péter cette douille… et, une seule idée en tête, recommencer. Ce qu’on fit. Mais, après la deuxième explosion, il fallut quitter les lieux … ça commençait à s’agiter alentour et les mères inquiètes et intriguées venaient voir d’un peu plus près ce qui se passait. Les souvenirs de la guerre étaient encore récents, d’accord… mais des explosions, il n’y en avait plus guère… !

C’est assez incompréhensible, nous ne nous sommes jamais fait surprendre par des adultes au cours de ces activités pourtant bruyantes..(extrêmement). Je ne me l’explique toujours pas. Faut croire que nous étions assez rusés pour choisir les bons moments, les bons endroits. Et comment se fait-il que nous avions autant de plaisir à des jeux plutôt malsains et dangereux. Malsains, pas tout à fait… cela se passait au grand air, dans les bois la plupart du temps et nous obligeait à des exercices physiques de chaque instant. Et on ne s’ennuyait jamais… toujours des projets en cours.

Enfants, nous avons aimé nous mettre en danger, jouer aux adultes… un peu aux soldats.. ! Ce qu’il y a de sûr, par l’expérience que j’en avais eu, lorsque mes enfants, mes neveux on eus entre douze et treize ans, je redoublais d’attention en ce qui concerne tout ce qui aurait pu leur tomber entre les mains ayant un quelconque rapport avec la guerre, les armes, les munitions… Mais les années avaient passé. Il ne restait plus rien de vraiment dangereux. Et pour nous, comment cela s’est-il terminé ? Je pense que dans chaque commune, il y eut recherche et récupération de tout ce que l’occupant avait abandonné un peu partout de dangereux. Il devint de plus en plus difficile de trouver quelque chose à faire sauter. On se lassa des recherches infructueuses… Plus rien à faire péter…! la désespérance…

Notre dernière trouvaille… on était vraiment tombé bien bas : des pétards de chemin de fer. Trouvés dans des vieilles locomotives mises au rebus… cinq ou six pétards qu’on ne savait pas comment faire exploser..et puis,ça faisait pas beaucoup de bruit, quand, après bien des difficultés, nous y parvenions…. Dédé et moi, on se rendait bien compte qu’il fallait passer à autre chose… Justement, il venait de trouver dans l’armoire de ses parents un superbe pistolet automatique 7,65. Un soir, il me le fit voir. Il était magnifique, lourd, tout neuf… et le chargeur plein. Mais pas d’autres munitions. Jeudi prochain, on va tirer dans la forêt… faut trouver des cartouches… et ça risque de pas être facile…. Dés demain, chacun de notre côté, on va s’atteler à leur recherche….

C’est une autre histoire…

Maurice